La solitude des flammes (Loredan)

Voilà un texte que j'ai écrit à partir d'un étrange sujet ressemblant à :
"Votre regard, perdu dans les flammes, est soudain attiré par quelque chose au coeur du feu"

J'attends vos critiques !



Les images, d’abord brouillées et indistinctes, m’apparurent bientôt nettement.
— Tu as récemment rendu visite à l’herboriste ? demandai-je à ma cliente.
— Il y a deux nuits, oui. Mon cadet avait de la fièvre, et on craignait que ça se dégrade vite. C’est le plus fragile, vous savez…
— Ce n’est pas chez l’herboriste que tu devras l’emmener, mais chez la guérisseuse, poursuivis-je en interprétant les symboles délivrés par les flammes. Et au plus vite.
— L’état de Calou va s’aggraver ? demanda-t-elle en balbutiant. C’est ce que le feu t’indique ? Pourtant, l’herboriste m’a certifié que les plantes qu’il m’a prescrites…
— Ce que les flammes me montrent, c’est que l’hiver arrivera plus tôt cette année. Elzéar, malgré sa haute connaissance de la médecine, ne pourra rien changer au fait que les chutes de neige successives de ces prochains jours recouvriront les collines et enseveliront les plantes dont il a besoin pour soigner ton fils. Il n’en a plus en stock, tu devras te les procurer chez Sell. Et le plus tôt sera le mieux. En revanche…, continuai-je en réfléchissant à ce que dévoilaient les flammes, un de tes proches vit à l’extérieur du village ?
— Ma mère, oui, dit Tehlia en se détendant un peu. Elle habite toujours à Cours-Bleu, plus haut sur le fleuve.
— Elle vit seule, n’est-ce pas ?
La jeune femme acquiesça vivement, et j’ajoutai avant qu’elle me fournisse plus de détails :
— Tu aurais peut-être dû lui rendre visite cet automne. Je te l’ai dit, l’hiver est là tôt cette année, et il sera rude. C’est une saison qui devient pénible à mesure que les années passent… Maintenant, rentre chez toi, ajoutai-je en voyant son air contrarié, et occupe-toi de ton fils. Il est trop tard pour monter ce soir jusqu’à la cabane de Sell, il est préférable que vous y alliez demain matin.
— Oui, bien sûr, répondit Tehlia en hochant vivement de la tête, nous irons dès le lever du soleil. Merci encore, Cyel, vous avez toute ma gratitude, malgré ce que les gens peuvent penser de vous… Vous êtes sûre de ne rien vouloir d’autre en paiement de vos services ?
— Je vous l’ai dit, Tehlia, que Thik débroussaille le sentier de la forêt me suffit amplement !
— Ne vous inquiétez pas, il sera à la tâche dès demain. A bientôt, Cyel.
— Et saluez Chant de ma part ! m’exclamai-je en riant avant de refermer la porte.

*

Plus je repense à cette visite, plus je sens que c’était la dernière.
Le feu se réduit maintenant à quelques braises rougeoyantes. Les flammes clairvoyantes ne subsistent jamais longtemps dans l’assiette de divination, comme si elles sont pompées par la magie. La pyromancie est un art ancien, et méconnu. Les villageois n’en voient qu’une part infime, et, moi-même, je me limite à pratiquer ce qu’ils connaissent. Mais ma sincérité ne leur suffit pas, ils en doutent, ils se défient de la part obscure de la magie, dont ils ignorent tout, et à laquelle ils prêtent les plus sombres pouvoirs. Leur imagination les conduit aux pires spéculations, et, ne croyant qu’à moitié à mon emploi réduit de la pyromancie, ils se méfient et m’évitent.
J’aimerais tout leur avouer, mais si je le faisais, je perdrais la seule influence que j’ai sur eux : la crainte. Ils me mépriseraient ouvertement, et, pour une fois, n’auraient pas tort. Aussi, je me tais, et garde mon secret.

Je n’en veux pas à Tehlia. Si j’étais à sa place, peut-être ferais-je la même chose : vouloir connaître son avenir proche tout en conservant sa réputation de femme respectable. Je sais qu’elle médit tout autant que les autres, peut-être même plus, afin de convaincre les villageois de la franchise de son mépris. Rien que son attitude… elle me rend visite à la nuit tombée, empruntant le sentier de la forêt, détour volontaire pour ne pas qu’on la voie monter le chemin de « l’enflammée »…
Les sarcasmes ne m’atteignent plus. J’ai pris l’habitude de vivre à l’écart, et je commence à me sentir proche de ce feu que j’ai tant haï. Il m’a apporté tellement de souffrances… Mais j’aime me comparer à lui : les hommes ont besoin et se réjouissent de sa présence, mais dès qu’il tente de profiter du monde et de ses conforts, on le craint, on le rejette, on essaie de l’étouffer.
J’ai souvent eu envie de leur dire. Mais à chaque fois, je suis parvenue à me maîtriser, à ravaler mes aveux. Aujourd’hui, pourtant, je sens que ce n’est pas pareil. Une envie irrésistible de tout avouer m’habite, cracher la vérité à la face des ignorants, de ceux qui se croient ignorants, leur montrer leur bêtise, en finir une fois pour toutes avec les ragots et les insultes. Demain, j’irai sur la place du village… ou pas. La nuit porte conseil. Elle apporte surtout la tempérance

L’horizon s’effiloche en lambeaux de rose et d’orangé. Je n’ai pas dormi, tout au plus ai-je somnolé quelques minutes ici et là. Et ma résolution n’est pas entamée.
Je regroupe quelques affaires et prend mon baluchon. La froidure piquante du début d’hiver m’attaque sur le seuil. Je me calfeutre un peu plus dans mon manteau, et descends le chemin de terre qui conduit au village. Déjà, le village s’éveille. Des gamins sortent timidement le nez dehors, un coq enroué chante bravement, perçant le calme matinal. Une boule cotonneuse et fluette tombe au gré de la brise. Les premiers flocons. J’ai toujours aimé ça. Ce sont peut-être mes derniers, réalisai-je dans un frisson, où l’angoisse le dispute au froid.
Les villageois agissent d’abord, et prennent conscience de leurs erreurs ensuite. La plupart du temps. Les citoyens d’Egire les dénigrent pour leurs actes irréfléchis, mais ils ont tort. A la campagne, les gens sont élevés comme cela, et ce n’est pas toujours un mal.
Sur mon passage, des rumeurs. Plus des murmures d’étonnements que des commérages malsains. Pour l’instant. Je me rends sur la place et commence mon appel au peuple.

Une cinquantaine de villageois m’entourent. Je commence sans plus tarder.
— Je suis venue vous dire… que je pars. Je quitte le village définitivement.
J’attends de réactions ; il n’en vient pas. Ils cherchent tous le piège, la malice qui sous-tend mes propos.
— Avant de partir, je souhaitais vous mettre en garde… contre les charlatans.
— On n’a pas besoin d’vot’ prév’nance ! crie un homme en retrait. Les charlatans, on les r’connaît ! On n’est pas idiots, nous aut’ !
— Ouais, poursuit un second, partez sans jeter d’sorts, on s’en sortira !
J’entends de toutes parts des murmures d’approbation. Soupirant, j’achève tant bien que mal mon discours :
— Vous ne les reconnaissez pas toujours. Vous croyez que…
— On croit que vous vouliez partir ! s’écrie un autre homme. Et on est tout à fait d’accord, vous avez… not’ permission ! Il éclate d’un rire gras qui en entraîne d’autres, avant de reprendre : Partez, emm’nez avec vous vot’ fichu pouvoir, c’est tout c’qu’on désire !
Son injonction est suivie d’autres, et bientôt l’attroupement curieux s’est transformé en une foule criarde. Je reconnais Tehlia, qui approuve sans rien dire, se gardant de croiser mon regard.
Tant pis. J’aurai essayé, me dis-je avec amertume.
Il est temps de partir.
Je ramasse mon baluchon et leur lance un vague « adieu » qu’ils n’entendent pas. Et je m’en vais, leur tournant le dos, d’un pas ni trop vif ni trop lent, pour qu’ils ne soient pas tentés de me jeter des pierres.
J’aurai aimé leur avouer… mais je n’ai jamais su gagner la confiance de personne. Ils m’auraient lynché. Ils ne se doutent pas que la pyromancie est une magie depuis longtemps oubliée, et ignoreront que mes prédictions ne sont dues qu’à mon entendement et aux prévisions du temps. La belle imposture ! Mais ils n’en sauront rien…
C’est peut-être mieux comme ça. Je hâte le pas, fixant au loin les courbes de la route.

c'est très entraînant ... bien que ça ne respecte pas le sujet du feu.

Toujours ton style propice à nous entraîner à nous faire rêver, à relater des événements mais, on voit là que tu as plus de mal pour les descriptions (je pense )c'est sûrement le caractère que tu dois travailler ...

Mais ce n'est qu'un avis et conseil.

Bravo quand même, j'ai bcp aimé !

Concernant quels passages

En quoi ça ne répond pas au sujet ?!

le sujet, c'était voir quelque chose dans le feu qui attire ton attention. On attendait un sujet de description des flammes et des sentiments habitant le personnage et tu pars peu à peu en hors sujet (ce que je considère moi comme hors sujet) c'est à dire une histoire élaborée à partir du sujet non le sujet.

Mais c'est juste un avis et une opinion de consigne.

je vais être honnête ; tu as fait mieux ! (cf le fendeur d'écume)
ça n'empêche que j'aime bien ton texte, qui est bien construit, on ne sait pas ce qui va se passer, mais le coup de "juste le bon sens" je trouve ça un peu gros. Pour entrer plus en profondeur dans le sujet, t'aurais pu écrire un paragraphe (vers le moment ou elle parle à la femme) qui décrivait l'aspect envoutant, libérateur, du feu, qui peut-être lui éclaircissait l'esprit ?
sur ce, bonne nuit tout le monde....

Loup a écrit:

Mais c'est juste un avis et une opinion de consigne.

Ben... jsais pas, j'avais compris autre chose pour le sujet... enfin j'espère qu'on va pas en tenir compte, tfaçon comme c'est moi qui l'ai donné


Merci salamandre pour ta critique Et oui pourquoi pas, ce n'est pas une mauvaise idée... je le réécrirai quand j'aurai le temps^^