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 Verdun, 1916

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Elric des Dragons

Elric des Dragons


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Date d'inscription : 07/12/2006

Verdun, 1916 Empty
MessageSujet: Verdun, 1916   Verdun, 1916 EmptyMer 10 Jan - 20:49

La neige explose sous la mitraille boche, nuage de gadoue mêlée du sang de ceux qui sont tombés. Dans les tranchées, les rats attendent qu'un de nous tombe pour se faire un festin digne d'un roi. Encore beaucoup tomberont aujourd'hui. Je le sais. Je le sens. Je ferai peut-être parti du nombre.

L'horreur est permanente. Les rugissements des Bertha, les cris des mitrailleuses, les hurlements, semblables à des soupirs dans cette cacophonie, des hommes fauchés ou déchiquetés par le shrapnel sifflant, se taisant quand il s'enfonçait dans les chairs. Je contemple la neige tomber lentement. Flocons épars rougis par la réverbération du sang de ceux qui étaient tombés ce matin. C'est à notre tour de monter. L'échelle est contre la parois, je suis le lieutenant. Soudain, une douleur violente iradie dans mon front. Je chute, le dos dans la boue gelée, les yeux grand souverts, là où viennent fondre les flocons.

Ainsi, je ne connaîtrai que la neige de cet hiver 1916. Je n'arriverai pas jusqu'à Noël, je n'aurai pas de permissions. On plantera une croix blanche au dessus de mon corps avant que l'on ne m'oublie. Des bruits. Des voix. On me tire, on me passe un linge sur le visage tandis qu'on m'adosse à la parois.

- Sergent ! Vous allez bien ?
- Oui... Non... Une balle m'a traversé la tête. Je suis mort.
- Pas vous sergent, le lieutenant...

Je me tourne vers la forme gisant à terre, que les flocons qui s'intensifient commencent déjà à recouvrir. Il n'y a plus de visage, juste un masque sanglant sans expression. Je comprend que c'est un morceau de la boîte cranienne du lieutenant qui m'a assomé. Je saigne. On me déclare inapte à la montée. Je ne sais pas si je suis soulagé. On me conduit à l'infirmerie où je resterai pour la nuit.

Au milieu des tuberculeux, des gueules cassées et des mourrants, je contemple des échantillons de vie qui s'en vont. Comme les saisons. L'hiver est venu pour la troisième année de suite, mais dans nos coeurs, il ne part jamais. Nous restons froids, nous sommes tous des morts en puissance, comme cette végétation qui se fâne quand les obus ne la déchiquète pas. Je réfléchis. Il n'y aura plus de printemps. Pas dans nos coeurs.

La guerre aura été l'hiver de nos vies.
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